Ma démarche s’appuie sur la conviction profonde que la peinture figurative répond, d’une manière singulière, aux questions décisives posées par notre appartenance au monde. Une peinture qui tente de faire contre poids à une époque dominée par les médias et le spectaculaire qui réduisent la vie à la seule dimension festive. Une démarche qui refuse l’instrumentalisation de la création au service du « message » qui transforme l’œuvre d’art en discours de l’évidence répondant aux critères normatifs des idéologies dominantes ou révolutionnaires. Une voie alternative à ces discours paternalistes déguisés sous le concept d’œuvre d’art qui laissent croire à l’impuissance de chacun à donner au monde un sens. Une position qui fonde la responsabilité de l’artiste sur l’épreuve d’une nécessité intime avant toute sollicitation mondaine et sur la nécessité d’une confrontation avec l’objectivité des discours au profit de la subversion du poétique.
La peinture, par sa matérialité et par sa couleur, rend perceptible la venue à soi du visible. Elle est une manière d’appréhender visuellement le monde et de traduire le regard confronté aux mouvements latents du visible. À partir de cette position, j’explore la représentation du paysage en peinture, de « ce qui fait sens que par le non-sens absolu de son existence » (Michel Pouille). Une position qui dénonce l’objectivation du réel et la domination de l’attitude analytique (sémiologie) dans l’art contemporain. Au-delà des codifications imposées par cette recherche obstinée du sens et son refus de l’angoisse, la nature existe dans sa radicale altérité. L’artiste ne peut qu’en rendre un aperçu fugitif, une palpitation du regard sur la surface des choses (Eliane Escoubas).
Une tentative de se réapproprier le monde et les choses malgré la cécité produite par les divers filtres médiatiques et culturels qui oblitèrent la pure présence des choses. Une démarche qui cherche un équivalent du réel dans lequel l’existence est la seule signification, à la fois affect et force.
Une théorie de la peinture qui implique que les structures du tableau sont les structures du voir et que dans le voir nous sommes présents au monde. L’espace du tableau est alors un espace de manifestation qui suscite l’exercice de la visibilité. Ainsi, les moyens du réalisme (forme et modelé) comme les moyens de l’abstraction lyrique (gestuel et tache) sont présents afin de traduire la complexité de notre rapport au monde.
Michel Pouille, La Nature en Peinture, éditions Comp’Act, 1998
Eliane Escoubas, L’espace pictural, éditions Encre marine, 2011